▬ Dixième séance, 18:30.

« Expliquez moi qui est cette personne qui vous effraie. »
« C'est une idée, qui me fait peur. »
« Un souvenir, peut être ? »
« Peut être.. »
« Que s'y passe t-il ? »
« Je manque de perdre la personne qui compte pour moi. »

Il avait pourtant refusé de se retrouver là. Il s'était dit qu'il pourrait le surmonter, qu'il aurait la force pour passer ça. Que les soirées ou il suffoquait, ou il tremblait en s'éveillant d'un cauchemars finiraient par s'en aller. Sauf qu'il avait fini par être obligé de faire face à un psychologue. Forcé de cacher une partie de lui, mais à la fois de s'extérioriser pour ne pas devenir dingue, ne pas perdre totalement pied. Avouer leur secret, ce qu'il avait pu s'y passer ? C'était impossible, purement. Il n'était là que pour essayer de soulager ce passé, ce passé qui l'avait violenté. La première séance il avait fait de l'hyperventilation. La seconde seulement suffoqué.. Pour finir à arriver à ça. Un flash back, cette soirée sombre. Ses paupières closes, sa main contre sa tempe alors que le souvenir grinçait contre ses tympans. Ça lui faisait mal, ça le déchirait. Sa respiration devenait si courte, tellement courte..

Le bruit sauvage d'un vase se brisant. Les morceaux se percutant, le sang commençant à goutter contre le parquet en bois. Clap, clap.. Le silence. Le corps essayant de se relever du sol, une main enlaçant un bout de verre récemment cassé, accoté de la nuque du type. Un geste, un seul geste.. Sept centimètres s'enfonçant dans la gorge d'un homme.. Et les genoux craquant. C'était lui, là.. Qui tombait lentement.

« Nikita.. »

Et le retour brutal au présent. Devinez quoi ? Il sentait les larmes silencieuses couler, clairement. C'était il y a quelques mois et ses iris noirs avaient commencés à briller. Puis les perles glissant le long des pommettes, ses rêves ou son jeune frère y était passé. Son cadet.. Il régissait sa vie, ce fichu gosse. Car si on avait l'habitude de le voir fier, pas de le voir pleurer. Il s'était vidé de toutes cette colère lentement, ses épaules au poids si lourd.. C'était amoindris du chagrin qui le prenait. Du chagrin qui l'avait bouffé.

« Excusez moi.. Vous allez bien ? »
« J'aurai fait n'importe quoi pour lui.. N'importe quoi.. »

▬ Que dire ?..

Sa vie, lorsqu'on la regardait défiler. Ses souvenirs lorsqu'il revoyait les flammes dansantes. Les couleurs rougeoyantes, orangées.. Ce cocktail d'un parfum carbonisé à la saveur brûlante. Ses bras entourant se frêle corps, quelques secondes plus tôt une nuée d'hommes armés étant parti. Et finalement, le départ à l'orphelinat. L'orphelinat.. Cet endroit, ou le perdre lui était devenu intolérable. Il n'y avait eu qu'une solution, après trois années..

La fuite, un gamin de onze ans assez futé pour s'éloigner définitivement de Tokyo. Pour entraîné son frère dans un compartiment, et ne plus jamais revenir en arrière. Juste leurs regards sur le paysage défilant par la vitre, sur la vie qu'ils étaient entrain d'abandonner tous les deux. Tout ses évènements, pour sentir sous ses doigts sa peau et sa mâchoire, pour voir ses deux orbes heureux. L'avenir, voilà à quoi ils pensaient à ce moment là. Qu'allait-il se passer maintenant qu'ils étaient seuls tous les deux ? Comment allaient-ils vivre ? Comme ils le pouvaient. Mais ils seraient ensembles.

Un an, et des centaines de kilomètres loin de chez eux. Une année entière passée dans la rue, à deux. Difficile à croire n'est-ce pas ? Et pourtant. Ils n'avaient plus de familles tous les deux, ils étaient condamnés à soi retourner à l'orphelinat le plus proche.. Soit se débrouiller. Le choix avait été rapide, le risque d'être définitivement séparé l'ayant rendu évident. Voler, se déplacer.. Trouver des endroits tranquilles ou passer la nuit. Mais le sourire toujours sur les lèvres de Nanda, tenant la petite main de son jeune frère pour l'emmener sur la plage. Courir sur le sable au milieu des personnes, le faire tomber contre et caresser ses cheveux anciennement noir de jais. Se prouver ce qui avait toujours compté pour lui : Le bonheur de son cadet. Être avec lui, respirer parce qu'il respire. C'était ainsi et il ne le verrait jamais autrement.

Puis une main, tendue vers eux.

Sa propre réticence à son égard, ses deux personnes encore inconnues à cette époque qui les avait observé. Le plus âgé d'entre eux qui tenait l'autre dans ses bras. Une fine couverture sur eux, et Nanda s'affairant à réchauffer la peau laiteuse contre lui. Et cette offre, cette offre de sortir de cet endroit. Cet homme, cette femme. Leurs futurs parents adoptif. Tout se résumé bien, tout s'enchaîné à merveille.. Ils avaient neuf et huit ans, et entrèrent dans une famille aimante. Catholique aussi, le défaut qu'il avait toujours reproché. Ces passages à l'Église ou l'aîné n'avait pu en faire qu'à sa tête. Les idées mitigées sur l'arrogance et l'entêtement de l'adolescent qu'il avait fini par devenir. Trop de barrière, il ne voulait de barrière. Il savait que Nikita les avait considéré comme les parents qu'ils n'avaient vraiment eu, lui même aussi d'ailleurs. Ils étaient ceux qui l'avait réprimandé quand il donnait la première cigarette à son frangin. Ceux qui lui avait crié dessus lorsqu'il en faisait des belles. Lorsqu'il séchait, entre autre. Une chose de bien qu'il chérissait ? L'athlétisme. Inversement au fois ou il tombait de fatigue - à cause de sa maladie - , ce sport qu'il n'avait pourtant lâché. Les compétitions, cette motivation. Mais leurs années, aussi belles furent-elles... Avaient annoncées ce mauvais présage. Ce secret les forçant à partir, à s'éloigner de tout. A récupérer leur héritage et à s'en aller.. Bien plus loin, cette fois. Au delà encore de ce qu'ils avaient pu imaginé. Un flingue sur la tempe, ils ne seraient jamais seuls.